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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 15:10

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L’air adouci était imprégné de ce gris qui s’étalait sur l’étang d’aluminium et le ciel à peine irisé d’un soleil qui demeurait invisible. Le même gris, immobile. Mes pas laissaient des traces profondes dans la boue séchée des basses eaux d’hiver. Mais je n’y prenais pas garde. Quelle importance la boue ? Tout ça c’était des affaires trop compliquées pour moi. Je préférais déambuler sans but, dans la seule lumière brillante, accompagné par les cris des flamants et les pleurs des goélands. Là bas, au milieu de l’eau j’avais vu s’ouvrir au dessus de ces pattes filiformes, deux grandes ailes presque violacées frangées de noir. Puis plus rien. Tout était redevenu comme avant. Ces formes rosées perchées au dessus de l’eau grise et scintillante, comme givrée. Puis j’avais vu le tricycle. Il était à demi enfoncé dans l’eau saumâtre, couvert de vase. Je voyais aussi ce fauteuil de salon qui ressemblait à celui où j’aimais me prélasser. Mais là, il était presque immergé au-delà de la croute morcelée qui séparait l’étang de la terre.

« Bizarre ».

J’avais suivi une piste de terre, avec au milieu, une raie verte, douce et silencieuse. A côté, ça craquait sous les pas. Cette femme, avec qui je passais des jours heureux, je l’avais entendue échanger quelques mots avec un vieil homme. Une conversation banale. Oui, il faisait bon à cette heure de la journée. Oui, cet endroit était paisible. Elle n’avait rien laissé paraître de son angoisse. J’avais fait mine de ne rien entendre et avais continué mon chemin. Plus loin je reconnus le mazet qui me donna les indices sur ces objets abandonnés que je venais de voir. La maisonnette autrefois charmante avait été vandalisée. Portes fracturées, volets éventrés, débris de tuiles, de verre et de bois répandus tour autour de ce qui avait été une maison de vacances.

« La leur. La mienne un peu. »

Je revoyais l’enfant en larmes, les parents pâles. Ils étaient partis, sans même avoir la force de remettre de l’ordre sur leur lopin de terre qu’ils appelaient leur petit paradis. Ils n’étaient pas revenus. « A quoi bon ? ». Pourtant, elle était ici aujourd’hui, pour tenter de se faire expliquer ce drame. Je l’avais laissée s’avancer vers l’inconnu, inconscient du danger.

Maintenant je ne voyais plus qu’une surface noire bordée de pointillés blancs. Le fracas des moteurs faisait trembler le sol. Des sifflements, un peu plus loin, lorsque ce tube bleu transperçait l’espace. J’étais terrifié. De loin en loin je ne voyais que ces scories de vie, jetés là. Un gant, une chaussette et un pansement sanguinolent. Un paquet de cigarette, un mégot, une bouteille de vin rosé écrasée. Tic tac, le temps staccato battait trop violemment dans mes tympans.

« Pourquoi ce désastre ? »

Chacun de mes pas, dans l’écrasement du métal des canettes, les meurtrissures infligées à de multiples objets, l’odeur de pourriture qui refluait du caniveau, me confrontait à mon insu, au pire. J’avais envie de rassembler ces pièces d’un puzzle mystérieux qui me laissait deviner l’histoire des hommes, leur soif de possession, leur avidité à jeter après usage tout ce qu’ils touchent, leur violence, leur avidité. J’étais révolté et amer. Maintenant je courrai à perdre haleine pour fuir ce tracé infernal noir. Le panneau stop était rouge. La terre enfin, après le sol dur d’obscurité. J’obliquais vers les roseaux, toujours en quête de ces vestiges improbables qui m’enseigneraient la vie. J’eus envie de la retrouver, de frotter ma tête à la sienne.

Deux énormes chaussures. Et au-dessus une forme géante que je ne connaissais pas. A cet instant, une détonation fulgurante traversa l’air. Celle qui m’accompagnait vacilla et son visage se rapprocha du mien. Je vis ses yeux me regarder fixement. C’est alors que je me mis à hurler.

Les deux chaussures prirent la fuite.

Sur l’étang les flamants laissaient leurs tâches roses flotter, comme si de rien n’était.

Domi

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