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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 20:54

Ecrit en atelier le 30 janvier 2015.

Il ruminait son rhume en reniflant de façon bruyante. La chaussée était ruinée et le vélo tremblait. A bien observer le cycle, il était possible de voir les rayons vibrer, se courber, se vriller. Chaque nid de poule provoquait des spasmes, des hoquets et des chocs qui courraient du coccyx jusqu’à la vertèbre cervicale supérieure. La sensation était double car la traction provoquée se sentait aussi bien à la base du crâne que dans le bassin. La colonne vertébrale s’encastrait dans la boite crânienne jusqu’à écraser la cervelle et, dans le même temps, elle broyait les muscles fessiers. La douleur irradiait dans les reins, le ventre jusqu’aux testicules. Le cycliste continuait pourtant son inlassable mouvement circulaire, appuyant fortement sur les pédales diamétralement opposées. La rue défoncée montait et l’inclinaison de la voie rendait l’ascension encore plus difficile. Rudy avait le souffle court et son corps était disloqué par l’effort  qu’il fournissait. Depuis le matin, son cerveau fonctionnait comme le pédalier. La même pensée revenait systématiquement au même endroit dans son crâne, là, à 2 centimètres et demi au dessus de l’oreille et à 5 centimètres dans la boite qui protégeait son cerveau. Il s’était dit qu’une sortie en vélo chasserait cette pensées fixée en lui, enkystée comme pourrait l’être une tumeur. Cette seule idée de tumeur lui glaçait le sang. Tu meurs entendait-il. Il fallait bouger, faire circuler les humeurs, bonnes ou mauvaises, chasser le chagrin qui le rongeait. Mais il ruminait toujours, ruminait, ruminait. A la bosse suivante, la cervicale supérieure craqua et une sensation de décharge électrique le traversa d’une oreille à l’autre. Le flux électrique était bleu, glacé et violent. A cet instant Rudy réalisa que la rue était transformée en champ de mine. Rue minée, rue minée. La déflagration le guettait à tout instant. Un choc et cela allait exploser. Exploser dans sa tête, exploser dans tout son corps. Il pensa que ruminer une pensée pouvait le conduire à sa perte.

Il songea aux vaches qui ruminent. Pour elles ce n’est pas sorcier pensa-t-il.

Il se dit, je vais descendre du vélo, courir dans le pré. Peut être pourrai-je me métamorphoser en vache. Il pensa alors à Io qui avait été séduite par Jupiter puis changée en vache. Elle ne pouvait plus communiquer après sa métamorphose.

Rudy décida de rester sur son vélo.

Domi

 

 

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21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 16:18

 

2014-05-10-11.19.11.jpg

 

10 mai 2014, à Saint Maximin, chez Danielle, avec Sabine Tamisier comme animatrice, une très belle journée d'écriture théâtrale.

Voici quelques extraits.

 

Monologue de L’Innommé :

Alors ? ça commencerait comment ?

Par du silence par exemple. Juste du silence, comme celui qui est suspendu après l’achèvement d’un concert. Un moment hors du temps qui ne dure on ne sait combien de temps, tant la vie a été oubliée pendant que les cordes ont vibré.

Un silence qui ressemble à une apnée. On est happé ailleurs, dans un autre univers. On n’ait autre.

Un silence comme s’il fallait l’absence de mots, de souffle, avant de retrouver la vie.

Un silence de mort parce qu’il faut un peu mourir – et même de rire aussi – avant de ressortir des entrailles de la pensée et du langage.

(Silence)

Il y a ce blanc comme si on passait à travers un long tunnel, un utérus ou derrière la phase visible de la lune.

Ensuite, c’est différent, de toute manière, quoiqu’on dise, quoi qu’on fasse, c’est différent.

Il y a eu le trou noir, le trou noir de la mémoire et peut être le chemin de l’oubli.

Je me demande où ça va me mener ce non dit, ce mutisme, ce bâillement de tout mon corps, cette apesanteur. Je nage, je m’ennuage, je cherche mon âge, mon personnage.

Finalement, je crois bien que je ne suis personne. J’attends la parole car la parole va me faire naître. Je suis l’Innomé dans les coulisses, nu, sans rien pour m’incarner, sans voix pour m’extrapoler, sans regard de quiconque sur moi.

Vous croyez que je divague ?

Ils sont là, juste derrière mon ombre, les deux autres. Et vous vous êtes là à attendre que je me mette à raconter une histoire ?

Vous vous dîtes « Ah ! Une histoire à trois, le mari, la femme et l’amant ? » J’imagine votre moue dubitative.

Attendez encore un peu.

Encore ce silence.

Oubliez tout.

Oubliez-les tous, Lerch, Siméon, Renaude, Nordmann…

Oubliez-vous.

Ouvrez-vous à ce silence.

Encore un peu de silence.

Jouissez d’entendre votre respiration, de sentir le velours, de percevoir ces visages autour de vous aiguisés par cette fuite vertigineuse.

(En mettant un doigt sur sa bouche) Chut !

Domi

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21 mars 2014 5 21 /03 /mars /2014 12:43

2014-03-20-10.02.34.jpg2014-03-20-12.16.06.jpg

Hier, jour du printemps, j'ai eu le plaisir, avec 5 autres personnes, de fabriker des haïkus au cours d'un atelier qui s'est déroulé à Marseille, Bibliothèque de la Grognarde.

Merci à l'équipe de la Bibliothèque pour son accueil très chaleureux avec thé boissons et biscuits. Merci à Annick, Christine, Guillaume, Lydie et Paule (qui n'est pas sur la photo) qui ont partagé ces moments.

D'ici quelques jours (lorsque je les aurai tous reçus) je publierai les haïkus sur ce blog.

En attendant, je publie un haïku de circonstance :

 

Ce jour de Printemps

Pétales de haïkus

Stylos en émoi !

 

Domi


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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 15:56

Ce 28 novembre 2013 a débuté cette nouvelle expérience d'atelier dans un snack, lieu de prédilection des lycéens, des pratiquants d'activités nautiques et des employés des entreprises installées sur la zone d'activité toute proche.

Il fait bon, il y a une ambiance détendue. Patrick nous a installés au soleil. On écrit à partir de "l'oeil".

 

Extraits :

Thibaut :

- Sandrine : Maintenant ne bouge plus car je pourrai t'enfoncer la pipète dans la pupille et là, tu sauras ce que ça fait d'être à demi-aveugle.

- Michel : Oh, tu sais, tant qu'il me restera un oeil pour te voir, je serai comblé.

 

Dominique :

- Madamoiselle Elodoeuille : Moi je te dis une seule chose : en Egypte, l'oeil c'est le symbole de la santé.

- Paul : Si c'est un symbole, je te laisse, je vais retrouver la réalité, l'oeil peint sur la proue de mon voilier.

Mademoiselle Elodoeuille : Salut, moi je vais voir l'expo sur le Trompe-l'oeil.

 100 3160

Domi 28/11/2013

 

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15 novembre 2013 5 15 /11 /novembre /2013 15:37

 

UN HOMME SIMPLE

 

 

 

 

UN HOMME SIMPLE

 

Ça commence toujours comme ça. La brouette passe en criant  « J’en ai assez de rouler ». Le balai tout doux avec son chant de paille appose des frôlements légers et chauds, une musique aérienne remplie de soleil, d’odeur de terre féconde qui fait écho à celle qui surgit de la maison de pierres nues, là bas dans l’échancrure de la rue où se dessine la trace d’un haïku, le Canigou, comme le Fuji-Yama. Un coup à la cloche, celle de la mairie qui compte les 35 heures du cantonnier, du balayeur, du fossoyeur. Attention à ne pas être en retard.

Ça commence toujours comme ça, le rosier plonge sa racine dans la faille entre les pierres, jusque dans les entrailles du village, jusqu’au magma, juste là sous le roc, peut être jusqu’à la mangrove de l’étang. La couleur bleue du ciel tangue jusqu’à l’eau, se coule sur l’étang, se vrille, se ride, se délite. Là, un scintillement forme une flaque de glace, au cœur de la lagune, puis s’étire, s’allonge, s’évapore dans un mirage.

Le vent de l’Aubrac / Juste une pointe de neige / Sur la joue en feu.

La brouette a mis du feu dans sa roue et Jean-Louis a mis du cœur dans son ouvrage. Il a son front de labeur et des yeux de marécage, d’un brun orangé, avec des étincelles qui se font paillettes lorsqu’il rit.

La brume de mer / Etouffe bruits et peines / Quand il est triste.

Il nourrit son corps creux d’air, d’eau, d’un peu de vase et d’odeur craquante du rivage. Un jour il a marché sur des lambeaux de terre. Il a dit : « Tiens, la terre a pris son coup de soleil aujourd’hui. » Ses mains sont imprégnées de la terre où il est né, incertaine, variable, parfois liquide, tantôt desséchée par le vent, tantôt claquante, gluante ou infestée d’insectes.

Cri du goéland / Peut être un enfant en pleurs / Transperce le ciel.

Il s’est arrêté sous l’arche, pas celle du cadran solaire, l’autre, qui s’ouvre sur la baie.

Un frisson, un pas / Frontière du Nord au Sud / Un pas, soupir chaud.

Travailler dehors. Une vie à composer avec les climats, se faufiler entre les mailles des filets qui sèchent dans l’air marin.

Toujours les mêmes / Jours, filets et anguilles/ Jamais les mêmes.

« Dis-moi Léon, t’as pêché les anguilles aujourd’hui ? »

Et Léon qui sourit toujours, comme habillé d’algues, dit : « Laisse-moi. »

Il prétend que là bas à l’horizon, il y a la fée de la montagne. Preuve, c’est dur, un morceau de glace aiguisé pour hacher le bleu du ciel.

La brouette se remet à gémir.

Dominique CABROL

Bages,  "Ecrire en mai", 26 mai 2013

 

Collage : Dominique CABROL, novembre 2013

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20 septembre 2013 5 20 /09 /septembre /2013 15:42

 

  AVEYRON ETE 2013 134

 

SUR LE PONT

 

La nuit dernière, le ruisseau s’est gonflé d’un seul coup, à cause de l’orage. Peu avant le ciel s’est obscurci, tout noir comme du plomb puis on a entendu comme les sabots du cheval galoper sur les toits couverts de lauzes. Lorsqu’ils sont passés ici, en se tenant la main, leur petit cartable de cuir usé sur le dos, ils ont regardé le filet d’eau transparente glissant entre les gros galets transformé en énorme torrent opaque.

 

Félix a dit dans le vacarme des flots :

 

- Tu as vu Eugène comme elle gronde la rivière à l’automne ?

 

- Et les truites, elles sont parties dans le courant ? avait demandé Eugène, le plus jeune des deux frères. Pour lui, c’était la première rentrée, en onzième. Drôle de chiffre pour commencer l’école avait-il pensé.

 

Ils sont restés un instant appuyés sur la balustrade protectrice du pont de romain, les mains posées sur les pierres rugueuses, le front au dessus des bouillons noirâtres.

 

Ils devaient s’éloigner de leur endroit préféré où tout l’été ils avaient construits des petits moulins et où leur père leur montrait comment pêcher les truites. Ils devaient traverser le pont, grimper la ruelle qui sentait la mousse, bordée d’hortensias bleus tout chiffonnés par l’orage, sauter les petites rigoles humides. Leur blouse avait la même couleur que les pierres. A la fontaine, Eugène mit la main sous le bec de métal et avala quelques gouttes fraîches. Sa gorge était un peu serrée. Traverser le pont, c’était laisser sa mère et sa petite enfance derrière lui.

 

Une fois franchi ce seuil minéral entre la maison et l’école, ils seraient différents, des écoliers attentifs. Ils passeraient chaque jour sur les pierres usées du pont. Puis ils partiraient loin. Félix serait aviateur, Eugène ferait Saint Cyr, mais à cet instant ils n’étaient que deux regards penchés vers le cours de leur vie encore à peine ébauchée.

 

Je le sais car je suis ce pont sur la Boralde, au cœur de l’Aubrac.

 

 

Domi

 

 

 

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25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 09:53

Lors de "Faites des écrits", le 22 juin 2013, l'atelier de Dominique a commencé par une déambulation dans le jardin au cours de laquelle des textes d'auteurs ont été lus (Ovide : Les Métamorphoses, Victor Hugo : Dans un jardin antique, Marcel Proust : Les jardins de nymphéas, Andrée Chedid : Terrasse). Puis des "pétales" de mots issus des participants ont été échangées.

L'invitation à écrire suggérait d'évoquer un parcours (étapes, changements de style ou de personnages) en s'appuyant sur les textes lus et les sensations saisies au cours de la déambulation dans le jardin.

Je veux remercier tous les participants qui se sont prêtés à ce jeu d'écriture. Nicole et Rose acceptent de se laisser glisser dans le blog. D'autres textes sont à venir. 

 

 

 

    SETE 16 AVRIL AU 6 MAI 2012 132

 

JARDIN ÉCHEVELÉ

Dans les pétales d’une marguerite ….

 

Ne prenez pas ombrage !

Oui j’ai déambulé, picorant ici et là, au rythme des « cellule » des impressions picturales et puis des ressentis… troubles.

 

La profusion d’espèces glissant des terrasses aux pentes douces, sagement canalisées ou débordant, sauvages, de leurs espaces, la reptation du groupe, scindé, puis se remariant, tout a concouru à mettre du désordre et de la confusion.

Ce jardin destiné au calme, à la méditation, m’avait précipitée de tonnelle en noria, de glycine en lavande, et me laissait perdue aux berges du pesquier.

Les poissons rouges vaquaient dans l’eau sombre et tranquille me fascinant et me calmant enfin.

Alors je revoyais étape par étape, ici les breloques pendues aux arbres de prière où des mots effrayants évoquaient la magie, là la vigne mariée à un bel olivier.

Au jardin de Vénus la belle prophétesse lançait des sons jolis, dessinait une fleur.  Nos mains avaient touchés les plantes médecine et les parfums mêlés enivraient nos esprits.

L’encre coulait menue alors que nos idées brouillées s’accrochaient en écharpe à la térébinthe ou au grand papyrus.

Espoir de clair de lune sur l’auguste jardin………

Nicole

     JARDIN-ANTIQUE-BALARUC-008.jpg 

   Vendredi et Alysson

Au dessus du pesquier l’oiseau de la plus haute branche chantait sa liberté au poisson  rouge qui ne disposait que de l’espace contraint pour aller et venir.

 

                         Arc en ciel, clarté et soupçon

                     

                                Ainsi va le monde de la terrasse 

 

                         de la soie au sang versé.

 

Où retrouver la terre nourricière dans les parcours tout tracés et semblables de goudron et béton ?

 

                           Lignes jaunes, feu vert

                           Danses incessantes des insectes

                           dans les massifs, les villes.

Parti de nulle part Vendredi recherche son empreinte dans le jardin antique. Il caresse le myrte, presse entre ses mains la sauge, entrevoit le scintillement de l’eau.

 

                                      Colonnes de faux marbre

                            surgissant de la luxuriance

                              verdoyante et épaisse des arbres

                             Voix intérieures qui se sont tues.

 

Alysson, que vient faire cette anglaise dans ce décor méditerranéen ? Nom de famille : Maritime. Il s’agit donc d’une immigrée.

                               Vole vole graine de violette

                                graine d’ortie et d’amarante

                                d’achyléas de térébenthine

                                Vole, vole, sans passeport.

                                 Vendredi erre toujours

                                 sans son empreinte

                                 La garrigue sèche alentours

                                  ne le conduit à aucune pinte.

 

 Au dessus du pesquier l’oiseau de la plus haute branche s’est posé sur un olivier. Vendredi veut s’en saisir, grimpé sur le muret de pierres sèches, il s’élance et tombe dans l’eau.

 

Repêché le voilà qui dessine lui-même son empreinte.

 

Rose

 

  P6220758

 

Parcours du soleil

Tôt le matin, la « paix du bleu frais peinte sur or » (1) arrivait par la fenêtre. C’était un moment empli des murmures assourdissants de l’eau.

La cloche dans le lointain nous raconta la vie, nous ramena à d’autres réalités que nous voulions mettre entre parenthèses, quelques instants. Fuir la furie et ne cueillir du monde que la courbe élégante des vasques de marbre où les algues stalactites glissent vers la surface du bassin.

Le soleil éclaboussait maintenant le bleu cru du ciel et au loin l’étang bouillonnait dans ses miroitements. Zen. Zénith.

Les plantes attendirent l’heure de la sieste appelant à elles les ombres tournoyantes des colonnes.

Dans l’odeur

De ma nudité

Je m’endors. (2)

La soif nous tenaillait encore lorsque les ombres se firent plus longues, étirées comme les cordes de la lyre.

Le jour déjà enserrait la terre, l’emplissait de flamboiements rougeoyants.

Respirer ?

C’est aspirer toutes les voix

Des cigales du soir. (3)

La nuit viendrait très tard en ces jours de solstice. Jour éphémère, la vie et la mort se mêlaient comme la vigne sur l’olivier. Les fleurs fleurissaient et fanaient.

Que restait-il de tout cela ?

D’infimes traces que le vent emportait.

Dominique

Paul Valéry – Poésie perdue

Haïku de Abe Ka’ ichi

Haïku de Kaneko Tôta

 

Domi

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 15:48

UN HOMME SIMPLE

 

Ça commence toujours comme ça. La brouette passe en criant : « J’en ai assez de rouler ».

Le balai tout doux avec son chant de paille appose des frôlements légers et chauds, une musique aérienne remplie de soleil, d’odeur de terre féconde qui fait écho à celle qui surgit de la maison de pierres nues, là bas dans l’échancrure de la rue où se dessine la trace d’un haïku, le Canigou, comme le Fuji-Yama.

Un coup à la cloche, celle de la mairie qui compte les 35 heures du cantonnier, du balayeur, du fossoyeur. Attention de ne pas être en retard.

Ça commence toujours comme ça, le rosier plonge sa racine dans la faille entre les pierres, jusque dans les entrailles du village, jusqu’au magma, juste là sous le roc, peut être jusqu’à la mangrove de l’étang.

La couleur bleue du ciel tangue jusqu’à l’eau, se coule sur l’étang, se vrille, se ride, se délite. Là, un scintillement forme une flaque de glace, au cœur de la lagune, puis s’étire, s’allonge, s’évapore dans un mirage.

Le vent de l’Aubrac

Juste une pointe de neige

Sur la joue en feu.

La brouette a mis du feu dans sa roue et Jean-Louis a mis du cœur dans son ouvrage. Il a son front de labeur et des yeux de marécage, d’un brun orangé, avec des étincelles qui se font paillettes lorsqu’il rit.

La brume de mer

Etouffe bruits et peines

Quand il est triste.

Il nourrit son corps creux d’air, d’eau, d’un peu de vase et d’odeur craquante du rivage. Un jour il a marché sur des lambeaux de terre. Il a dit :

« Tiens, la terre a pris son coup de soleil aujourd’hui. »

Ses mains sont imprégnées de la terre où il est né, incertaine, variable, parfois liquide, tantôt desséchée par le vent, tantôt claquante, gluante ou infestée d’insectes.

Cri du goéland

Peut être un enfant en pleurs

Transperce le ciel.

Il s’est arrêté sous l’arche, pas celle du cadran solaire, l’autre, qui s’ouvre sur la baie.

Un frisson, un pas

Frontière du Nord au Sud

Un pas, soupir chaud.

Travailler dehors. Une vie à composer avec les climats, se faufiler entre les mailles des filets qui sèchent dans l’air marin.

Toujours les mêmes

Jours, filets et anguilles

Jamais les mêmes.

« Dis-moi Léon, t’as pêché les anguilles aujourd’hui ? »

Et Léon qui sourit toujours, comme habillé d’algues, dit : « Laisse-moi. »

Il prétend que là bas à l’horizon, il y a la fée de la montagne. Preuve, c’est dur, un morceau de glace aiguisé pour hacher le bleu du ciel.

La brouette se remet à gémir. Jean-Louis s’éloigne.

 

Dominique CABROL - Bages,  26 mai 2013

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 16:07

 

 Orage du temps

C’est le temps des orages. Ce sont les orages du temps. Les traces se gravent au fond des grottes sombres, se peignent, pour qui, pour quoi ?

A quoi bon laisser trace ? L’éphémère règne en maître, efface, évanouit, dissout, émiette, éclate, fracasse, anéantit.

 

Lui, il a mis sa main sur le rocher, il a soufflé de la matière rouge avec un chalumeau. Il a laissé son empreinte, en négatif.

Il est l’homme du néolithique mais le ne sait pas. Il ne sait pas que la grotte sera inaccessible dans des milliers d’années, obturée par la montée des eaux.

Pourtant il dessine des chevaux, il caresse la roche tendre, il grave le calcaire. Un autre cheval plusieurs centaines d’années plus tard sera gravé, tout proche. Le carbone 14 fait foi sur cet espace-temps entre les deux chevaux, qui semblent galoper ensemble.

C’est l’orage du temps et dans mon âme la tornade fait rage. Je reçois la trace du temps avec sidération.

Nous les humains du XXIème siècle, quelle trace laisserons-nous ? Traces de désastre, blessures infligées à notre terre, cloaque, chaos, pensées engourdies par notre arrogance. Nos cavernes sont stériles. Le mythe de la caverne est à réinventer.

Mon ombre froide

S'évanouit, négative

Dans l’odeur du fiel.

GROTTE-COSQUER.jpg

 

 

Domi

25/05/2013 - Bages

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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 15:52
 
Ecrit en atelier avec Claude, le 23 avril 2013. La proposition était : parler d'une attente. Plusieurs mots ont été placés au moment où l'animatrice les as annoncés : trahison, sagesse, réconfort, souris, fleuriste, sereine.
 
La fleuriste et le cheminot
Salle d’attente, gare de Lyon à Paris, soir d’automne sans train bleu. Des pigeons se cognent sous la verrière. Le brouhaha, les sandwichs dans des sacs en papier et des magazines que l’on feuillète distraitement. Le tableau cliquète brutalement et affiche des caractères comme une trahison, inéluctablement. Trop tôt encore pour partir, pour se lever, pour glisser le billet dans l’horodateur. L’attente s’étire ou se recroqueville dans ce no man’s land anonyme. On rêverait presque d’assister à quelque chose d’exceptionnel, un vol, un malaise ou un train qui arriverait trop vite et heurterait la butée, là au bout du quai, à quelques mètres, dans un raclement aigu sur les rails de métal. Mais il n’y a rien que cette pénible attente entre des instants de sagesse et des phases de folie douce.
Elle songea que les salles des pas perdus n’existaient que pour des pas qui ne servaient à rien, qui n’avaient aucun sens, aucune destination. Le tableau cliquetait toujours, la rappelant à ce temps qui se vidait de sa substance sans apporter de réconfort comme le serait l’attente d’un bon café chaud et très sucré.
Elle se rendit compte que rester ainsi dans ce moment flou sans heure ne faisait qu’accroitre son malaise. Elle ferma les yeux, inspira profondément, rouvrit les paupières vers les pigeons au vol mou et court. « Stop, j’arrête ça ! »
Il fallait regarder le monde autrement, voir des souris dans le moindre trou, distinguer des sourires sur les visages impassibles qui dirigeaient le même regard sur le même panneau électronique martelant les noms des gares et des horaires.
Et si tout à coup le panneau lançait un message secret pour la petite fleuriste qu’elle avait vu tout à l’heure, le ventre tout rond de son heureuse attente ? La fleuriste sereine attendait un enfant et attendait autre chose. Le père de l’enfant à naître, cheminot, écrivait sur le panneau noir : « Rose, épouse-moi. »
Une dernière fois le tableau fit défiler ses lignes changeantes. Quai 23. Elle se leva, composta son billet et se dirigea vers le wagon 12, place 46, côté fenêtre. Elle avait 6h30 devant elle. Elle avait le temps d’écrire cette histoire entre la fleuriste et le cheminot. Elle était heureuse.
domi
 
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